Non, je recommence.

Le jour où je me suis interdit les câlins.
Le jour et le suivant où je me suis empêchée de te serrer dans mes bras,
de t’essuyer la confiture aux bords des lèvres,
de croire en toi.

Ce fameux jour où je me suis éloignée pour me protéger de la souffrance et de la mort
Ce matin-là, je ne t’ai même plus servi le café
Ce matin-là, j’étais pas encore réveillée.
J’ai vu ça passer comme un nuage,
j’ai pris ça au sérieux comme une marée

Après 6 heures, ça sera passé.
Mais je ne t’ai plus retouché.
J’ai enfoui mon calme dans un tiroir,
j’ai fermé les rideaux sur l’avenir.
Et l’après-midi tu t’étais fait à l’idée.

Prendre des vacances puis respirer.

Le jour où je me suis interdit les câlins
j’ai commencé à plus manger, à plus fumer, à plus rager, à plus remettre au lendemain.
J’ai remis au lendemain notre partie de dards.
J’ai remis au lendemain les grands espoirs.
J’ai pris une pause devant ma fenêtre.
Y faisait froid pis c’était correct.

T’étais pas là.
J’ai compris que la majorité des gens étaient partis.
Que leurs bras brassaient autre chose et leur tête aussi.
J’ai pris mon poil à deux mains pis dans l’anxiété, je l’ai tressé.
Je fais toujours ça quand je suis stressée.
J’ai repris une pause devant la fenêtre,
J’ai essayé de mettre des couleurs pis de voir tes yeux pis ceux des autres.
Ils faisaient tous la file, les regards fuyants
Ils faisaient tous la file, j’espère un petit sourire encore ardant.

Parce que du feu, il en est resté.
J’avais des réserves de braise pis des boucliers.
Je me suis mise à penser que c’était le temps d’une transition.

Puis, j’ai recommencé à parler.

Le jour où je me suis interdit les câlins fut comme une petite mort annoncée
Pas la grande, ni la faucheuse des prés.
Juste une autre mort de ce que nous fûmes et pouvions être.

- Sarah Charland Faucher

Extrait du livre L’art des fous

Ceci est de la littérature brute, non filtrée, extraite le plus souvent en première pression, à chaud. Pas toujours loin de la crise. Les textes sont authentiques, originaux et servis tels que reçus. Ils témoignent de la réalité intime des auteurs, qui ont entre 9 et 35 ans. Pour plusieurs, c’est une première expérience d’écriture qu’ils ont choisi de faire partager. Pour d’autres, c’est leurs failles intérieures et leurs doutes qu’ils exposent, alors même qu’ils les découvrent.

Le Carrefour Jeunesse Emploi Avignon Bonaventure a choisi de donner pleine liberté de parole aux jeunes, afin de leur permettre d’exprimer, dans leurs mots, ce qu’ils vivent, et comment ils vont. Ceci suppose quelques entorses aux convenances et à la linguistique. C’est un choix conscient.

Le résultat a le mérite d’être vrai. La santé mentale est un tabou social. Pourtant, tout le monde en a une. Chacun a droit à sa manière d’en parler. Prenez soin de la vôtre et de celle de vos proches.

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