Australie. Sydney Opera House. 3e sous-sol. Ambassade du monde magique. Aile psychiatrique — On n’était pas supposé recevoir le Père Noël, aujourd’hui? — Oui, mais finalement il a été envoyé à Atlanta. — Ils ont une branche à Atlanta? — Siège social de Coca-Cola. 2e sous-sol. Un des infirmiers se dirige vers le salon commun, un dossier à la main. — Cupidon! C’est l’heure de ton rendez-vous avec le Dr. Silver! Cupidon est assis devant la télé, le regard lointain, catatonique. En entendant son nom, il se lève et suit l’infirmier, le regard vide. Depuis qu’il a accidentellement utilisé une vraie flèche et tué un humain, l’ange s’est retiré dans sa tête et ne communique plus avec personne. Ses rendez-vous avec le Dr. Silver ne sont devenus qu’une formalité. Pendant une heure, Cupidon fixera le docteur, sans le voir, et Silver fixera sa montre. Dans une chambre d’isolement, la Fée des dents est sous haute surveillance. La désintox est longue. Il y a 20 ans, elle avait commencé à broyer les dents prises sous les oreillers et en inhaler la poudre produite. Les centres de désintox humains avaient aidé pour quelque temps. Malheureusement, elle a dû être rapatriée dans une des ambassades quand elle a commencé à récupérer des dents avant même qu’elles ne tombent. Et pas seulement les dents d’enfants… Depuis son retour du Pays des merveilles, Alice cherche toujours un moyen d’y retourner. Elle a essayé toutes les drogues possibles. Elle avait failli atteindre son objectif quand elle a essayé la poudre de la Fée des dents. Dans la chambre voisine se trouve le Marchand de sable. Pendant des millénaires, il avait fait son travail sans aucun problème. Mais, il y a deux ans, il est devenu fou et s’est mis à enfoncer de grosses poignées de sable dans la gorge des humains, les suffoquant et les tuant sur le coup. Dans la salle d’attente, Blanche-Neige et ses Sept nains sont appelés par le Dr. Albert pour leur thérapie de couple hebdomadaire. Les nains parleront tous un par-dessus l’autre et Blanche-Neige restera muette, ne pouvant placer un mot. Pinocchio, maintenant humain, souhaite redevenir un homme de bois. Suite à une fracture de la jambe, il argumente que remplacer une jambe de bois cassée est plus rapide que d’attendre qu’un os soit fixé. Mowgli, lui, ronge les divans. Le fait d’avoir été élevé par des animaux n’avait pas aidé à sa réinsertion sociale. Plus personne n’osait s’approcher de la place publique depuis qu’il y avait été vu en train de manger des pigeons et des rats. En salle d’opération, M. et Mme Patate sont tous deux en procédure de changement de sexe. À la morgue, le corps déchiqueté d’Aladin témoigne d’un face-à-face avec un réacteur d’avion. Et les restes non digérés du Chaperon rouge et de sa grand-mère sont récupérés de l’estomac du Grand Méchant Loup. À la surface, les touristes se promènent autour de l’Opéra, grande attraction mondiale, insouciants de l’existence d’un monde magique sous leurs pieds. Ignorants des maux endurés par les êtres de contes. Et depuis le massacre de l'ambassade russe de 2008, les précautions ont été prises pour s’assurer que cet arrangement inédit reste intact pour le bien de tous les partis concernés. - Jérôme Dutil Martin
Extrait du livre L’art des fous
Ceci est de la littérature brute, non filtrée, extraite le plus souvent en première pression, à chaud. Pas toujours loin de la crise. Les textes sont authentiques, originaux et servis tels que reçus. Ils témoignent de la réalité intime des auteurs, qui ont entre 9 et 35 ans. Pour plusieurs, c’est une première expérience d’écriture qu’ils ont choisi de faire partager. Pour d’autres, c’est leurs failles intérieures et leurs doutes qu’ils exposent, alors même qu’ils les découvrent.
Le Carrefour Jeunesse Emploi Avignon Bonaventure a choisi de donner pleine liberté de parole aux jeunes, afin de leur permettre d’exprimer, dans leurs mots, ce qu’ils vivent, et comment ils vont. Ceci suppose quelques entorses aux convenances et à la linguistique. C’est un choix conscient.
Le résultat a le mérite d’être vrai. La santé mentale est un tabou social. Pourtant, tout le monde en a une. Chacun a droit à sa manière d’en parler. Prenez soin de la vôtre et de celle de vos proches.