Chaque année, plus de 15 000 enfants reçoivent un diagnostic de trouble du spectre de l’autisme (TSA) au Québec. Et tout autant de parents doivent apprendre à composer avec cette réalité, trouver les ressources adéquates pour les soutenir et garder la tête hors de l’eau.

Un texte de Anne-Frederique Hebert-Dolbec | Dossier Famille

« Ça va faire un an le 23 décembre. » Cette date est gravée à jamais dans la mémoire de Veronik Marchand. Elle correspond au jour où on lui a confirmé que sa petite Scarlett*, alors âgée de 2 ans, était atteinte d’un trouble du spectre de l’autisme de sévère à modéré.

Ce jour-là, la jeune maman a à peine sourcillé. « Sur le coup, j’étais inébranlable. Je voulais être un pilier pour notre famille. Ma fille est merveilleuse, et j’étais prête à tout pour qu’elle puisse s’épanouir comme les autres enfants. »

Aujourd’hui, Veronik voit les choses différemment. « Le souffle commence parfois à me manquer. J’adore ma fille et je ne changerais rien à ma vie. Mais je réalise que le chemin ne sera pas sans embûches. Je vais éventuellement devoir faire des deuils. »

Une étape à la fois

La première réaction d’un parent ressemble très souvent au déni lorsqu’il est confronté à une nouvelle aussi bouleversante. Il faut dire que les troubles envahissants du développement ont rarement bonne presse, en plus d’être souvent cantonnés à des stéréotypes dans l’imaginaire collectif.

« C’est une réaction tout à fait normale, soutient Véronique Chiasson, ergothérapeute et accompagnatrice parentale en Ontario. Lorsqu’on décide de fonder une famille, on ne peut pas s’empêcher de se projeter dans le temps. Un diagnostic de TSA chamboule tout. Ce n’est pas une maladie, ça ne se guérit pas. Si l’enfant rencontre des difficultés, ce sera pour toute sa vie. »

Contrairement à une croyance fortement répandue, les enfants TSA sont tous uniques, et leur trouble se manifeste de différentes manières, ce qui peut brouiller la perception des parents et de leur entourage.

 « Quand la pédiatre de mon fils m’a recommandé de le faire évaluer, j’ai résisté. Il ne correspondait pas du tout à l’image que j’avais de l’autisme, indique Nancy Bergeron, maman de Mathis*, 15 ans. Je le voyais comme un enfant difficile, mais il n’avait aucun problème à aller vers les autres et à interagir. Lorsque le verdict est tombé, j’ai mis deux ans à faire mon deuil. »

Nancy Bergeron

Manque de soutien

Vivre avec un enfant autiste vient également avec son lot d’inconnus. Arrivera-t-il à se développer normalement? Aura-t-il de la difficulté à s’intégrer et à se faire des amis? Pourra-t-il poursuivre sa scolarité, avoir une carrière, fonder une famille?

Bien souvent, les parents ont accès à très peu de soutien pour répondre à ces inquiétudes. Après un diagnostic, l’attente peut être longue pour accéder à des services en ergothérapie, orthophonie, psychologie et autres. La famille doit parfois patienter plus d’un an et demi avant d’obtenir de l’aide concrète.

« Des études ont démontré que dès que l’attente est de plus de trois mois, le sentiment d’efficacité des parents envers leur enfant diminue énormément, indique Véronique Chiasson. Ils se sentent impuissants et découragés. »

Aucun mode d’emploi

Les familles TSA sont contraintes d’entreprendre des recherches sur le web, d’échanger sur des forums de discussion et d’apprendre par essais et erreurs les meilleures stratégies à adopter pour favoriser le développement de leur petit.

« Scarlett se réveille au moins deux fois par nuit, toujours aux mêmes heures, raconte Veronik Marchand. J’ai appris à la dure que je ne dois pas rester avec elle pour la rendormir. Étant très routinière, ma fille voudra que je sois toujours là, par la suite. Les exceptions n’existent pas Scarlett. C’est difficile pour mon cœur de maman de ne pas pouvoir partager ces moments avec elle. »

« Ma fille a reçu son diagnostic très tardivement, à 14 ans, souligne Stéphanie Lussier, la mère de Danaé, aujourd’hui âgée de 18 ans. Je ne l’ai pas élevée comme une enfant autiste. Ça a eu son lot d’avantages et d’inconvénients. Danaé est capable de tolérer un peu l’imprévu. En contrepartie, ça a nourri beaucoup de crises difficiles à gérer. Tout ça, je l’ai appris par moi-même. »

Veronik et sa fille Scarlett.

Le casse-tête scolaire

La petite enfance n’est que le début d’une série de défis. L’entrée à l’école primaire – tout comme le passage au secondaire – peut parfois prendre l’allure d’une véritable montagne russe. Le système scolaire n’est pas toujours adapté aux enfants différents. Plusieurs parents doivent aussi se battre pour que les plans d’intervention, établis avec les intervenants, soient respectés dans les salles de classe.

« Les systèmes scolaires sont souvent très hermétiques, parfois au détriment du bien-être des élèves, soutient Nancy Bergeron. L’enfant doit s’adapter au moule de services offerts par son école, et non l’inverse. Mon fils, par exemple, n’est pas trop dérangeant. On ne lui a pas affecté d’intervenant spécialisé. Pourtant, je sers de punching bag au retour de l’école pour tout le stress accumulé dans la journée. »

L’autisme suscite beaucoup d’incompréhension chez les professeurs. Selon Véronique Chiasson, ils ne sont pas nécessairement outillés dans leur formation de base. « Plusieurs d’entre eux sont dévoués, pigent dans leur propre portefeuille pour acheter des ballons, des pictogrammes, des canapés. Mais sans soutien, ils seront tôt ou tard à bout de souffle. Ils ne voudront plus d’enfants à besoins particuliers dans leur classe. »

Le passage vers l’âge adulte

Voir son enfant grandir est une grande fierté pour tous les parents. La découverte des relations amoureuses et de la sexualité peut toutefois devenir tout un défi pour les familles qui accompagnent un adolescent autiste vers l’âge adulte. Alors que les ressources pour les enfants TSA sont déjà difficiles à obtenir, celles dédiées aux adultes sont pratiquement inexistantes.

« Certains ados comprennent mal les conventions sociales, ou ont de la difficulté à saisir les limites ou le malaise de leur interlocuteur. Il faut trouver de nouvelles manières d’aborder le consentement, les besoins différents, la communication à deux », soutient Véronique Chiasson.

Stéphanie Lussier, pour sa part, a dû apprendre à composer avec le départ de sa grande fille vers le cégep, dans une région éloignée. « Comme parents, on vit des sentiments contradictoires. On est fiers de voir notre fille s’accomplir, prendre ses responsabilités et se fixer des objectifs. En revanche, ça n’enlève pas notre charge mentale et parentale. On doit toujours s’assurer de bien encadrer Danaé. On vérifie qu’elle lit bien ses courriels, qu’elle passe une bonne journée et qu’elle ne dépense pas trop, tout en la laissant faire des erreurs et apprivoiser sa liberté. »

Lâcher prise

Ce qui est unanime chez les parents : il faut vivre le moment présent, arrêter de se projeter dans l’avenir et célébrer les petites victoires. Des mantras à se répéter tous les jours.

« Avant, l’idée de sortir du lot me terrifiait. J’angoissais pour des choses qui me paraissent aujourd’hui anodines. J’apprends tranquillement à vivre et laisser vivre », souligne Veronik Marchand.

« Danaé remarque des détails que personne ne voit : le nez en forme de cœur d’un chat, la couleur d’une fleur, un rayon de soleil. Elle est tellement créative. Elle m’apprend à lâcher prise et à encenser la différence », conclut Stéphanie Lussier, fière de voir cette jeune femme s’émerveiller encore d’un rien. 

*À noter que les noms des enfants ont été changés pour préserver leur anonymat.

Ressources recommandées par les parents

Voici des outils et des ressources qui ont aidés les parents interviewés à mieux apprivoiser l’autisme de leur enfant et à trouver des stratégies pour sa gestion au quotidien.

Saccade

Le Centre d’expertise en autisme SACCADE est composé d’une équipe de professionnels spécialisés en autisme, offrant une gamme de services pour la personne TSA, son entourage ainsi que les professionnels dans le domaine. Les parents peuvent y trouver plusieurs formations, ainsi que l’accès à des services cliniques.

Sur le spectre

Le magazine Sur le spectre est offert gratuitement sur le site web du groupe de recherche en neurosciences cognitives de l’autisme de Montréal. Plusieurs informations sur les dernières recherches et avancées scientifiques y sont vulgarisées pour le grand public.

Deux minutes pour mieux vivre l’autisme

Cet outil en ligne offre des vidéos d’information pour soutenir au quotidien les aidants d’enfants autistes. https://deux-minutes-pour.org/

Livres utiles

Survivre est soutenu par le Fonds d’urgence pour l’appui communautaire, du gouvernement du Canada et par la Fondation du Grand Montréal. 

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Ressources sur le suicide

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  • Canada: Service de prévention du suicide du Canada 833-456-4566
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  • BelgiqueCentre de prévention du suicide 0800 32 123.
  • Suisse: Stop Suicide
  • Portugal: (+351) 225 50 60 70

Guide d’intervention de crise auprès de personnes suicidaires

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Le guide d’intervention auprès de personnes suicidaires démystifie le suicide. Il permet d’aider les proches à reconnaître les signes avant-coureur du suicide et de déterminer qu’est-ce qui peut être fait pour soutenir la personne en crise.

Une section du guide est réservée aux endeuillés par suicide.

Le livre est disponible au coût de 9,95$. Par téléphone: (514) 256-9000, en région: 1-877-256-9009. Par Internet.

Par la poste: Reflet de Société 4260 Ste-Catherine Est Montréal, Qc. H1V 1X6.

Maintenant disponible en anglais: Quebec Suicide Prevention Handbook.

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