Il faut se rappeler qu’il n’y a pas si longtemps, le gouvernement provincial, par souci d’optimisation de ses ressources, à relâché une bonne partie des personnes souffrant de problèmes de santé mentale. Ces hommes et ces femmes qui furent longtemps institutionnalisés se retrouvèrent libres du jour au lendemain, sous une supervision réduite. Si plusieurs d’entre eux ont réussi à se trouver une place dans ce nouveau monde, ça n’a pas été le cas pour tous. Leurs problèmes de santé mentale ne se sont pas volatilisés comme par enchantement.
Un texte de Jean-Pierre Bellemare – Dossier Chronique d’un prisonnier.
Ces personnes malades ont dû, au prix d’efforts incroyables, fonctionner de leur mieux avec des capacités d’adaptation réduites. Les pharmaciens, qui furent leurs premiers confidents, ou devrais-je dire leurs premiers fournisseurs, tentèrent tant bien que mal de les soigner. Le remède de prédilection, une augmentation de la pharmacologie. Augmentation des profits et des bénéfices au profit d’une industrie qui ne cesse de croître, et ce, bien plus rapidement que le taux de natalité, au détriment d’une clientèle déjà bien mal en point! Il est vrai que celle-ci ne vote pas! Alors, à quoi bon s’en préoccuper!
Sous protection
Une partie de cette clientèle a défrayé la manchette ces dernières années, et ce, rarement pour les bonnes raisons; prises d’otages, tentatives de suicide ratées, comportements violents et psychoses en pleine rue. Plusieurs se retrouvent aujourd’hui incarcérés sans distinction d’avec les bandits. Ignorée par les hautes instances, cette clientèle faible et vulnérable nécessite d’être protégée. En prison, les détenus avec des troubles de santé mentale se font carrément plumer, et ce, de toutes les manières possibles. La plupart d’entre eux sont incapables de respecter un minimum de règles. Ils se retrouvent alors confinés dans un département réduit qu’on surnomme la protection.
Ce département est le plus nauséabond qu’on puisse trouver dans un milieu carcéral. C’est une partie de la prison où les cas les moins stables psychologiquement et les plus récalcitrants se retrouvent. C’est une gang disparate qui ne suit pas les règles. Puis, il y a ceux-là qui au contraire, ayant tellement peur d’être battus, demandent à être protégés. Tout un amalgame regroupant les pédophiles (surtout amateurs de photos et de films pornographiques avec des mineures, plus les pères incestueux). Incluant une partie d’hommes hyper dominants sexuellement qui ne semblent même pas se rendre compte de leur besoin insatiable de contrôle, de domination. Plus ceux qui volent les autres codétenus ou qui consomment toutes les drogues disponibles sur place, mais qui refusent ou sont incapables de payer leur emprunt. Voilà, dans l’ensemble, une bonne représentativité de ce qu’on retrouve dans le secteur qu’on nomme la protection.
Tous les prisonniers de cette section deviennent les parias de la majorité de la population carcérale. Pourtant, plusieurs d’entre eux ont commis des crimes aussi graves sinon pires, mais ils ne partagent pas la même vision. Ils ont suffisamment d’arrogance et de front pour mentir sur les véritables raisons qui les ont menés derrière les barreaux.
Au mauvais endroit
Revenons à nos moutons. Quand un handicapé mental s’attaque à un sac de vidanges avec un tournevis, cela effraie, déstabilise. Un itinérant de Montréal s’est fait descendre par un policier, ainsi qu’un cycliste, infirmier de profession qui passait par là. Ces deux-là ont fait les frais d’un agent de la paix incapable de gérer avec sagesse et retenue cette situation. Deux personnes en sont mortes. Si ce cas médiatisé a soulevé certaines questions sur la formation policière, les choses n’ont pas vraiment changé. Dans la rue, il existe encore plein de gens ayant des problèmes similaires et qui, par chance, aboutissent en prison et non à la morgue. Chanceux ?
Lorsqu’un handicapé mental est mis en état d’arrestation, il est conduit devant un juge pour répondre à des accusations de méfait public, trouble public, itinérance ou vandalisme. Est-ce la meilleure solution de le mettre en prison? Je me pose la question.
Je reconnais ne pas être un expert en santé mentale. Par contre, si je passe quelques semaines sinon quelques mois en détention avec 24 heures par jour, je suis à même d’observer ces comportements et appuyer mon analyse sur ma capacité de discernement. Ce que j’observe, ressens et discerne n’est pas arbitraire. Ce que j’exprime provient du reste d’humanité qui grouille encore en moi de manière occasionnelle.
Pour résumer, ces handicapés mentaux, qu’il m’est donné de côtoyer bien malgré moi dans un environnement très restreint, se montrent sous leur vrai jour. Je peux affirmer sans l’ombre d’un doute que plusieurs réagissent exactement comme des adolescents dans des corps d’adultes. Ils parlent comme eux et se comportent comme eux. Je dirais que l’âge moyen qu’ils manifestent joue entre 10 et 15 ans, maximum. Autre observation, car j’interagis quotidiennement avec eux. Quand il s’agit de les faire se comporter avec un minimum de convenance ou de corriger une certaine façon d’être qui autrement les expose à des corrections sévères, j’ai constaté que même si on leur expliquait patiemment, avec des mots simples à comprendre… ils ne comprennent souvent qu’à moitié et il faut leur répéter constamment. Pourtant, je sens, à travers leurs yeux, un désir sincère de se corriger, mais cela est au-delà de leurs capacités.
La logique des tribunaux
Je ne suis pas psychologue, consultant ou psychiatre, ni même avocat. Ces impressions, je les ai partagées avec d’autres détenus qui n’appartenaient pas à cette catégorie et qui ont confirmé mes impressions. Alors, voilà la question à un million de dollars!
Comment un juge, un avocat, un conseiller et un greffier sont-ils incapables de constater l’évidence ? Ces handicapés ne sont pas en pleine possession de leur moyen. Alors, comment peuvent-ils prendre une décision éclairée qui les concerne ? Ceux qui naviguent quotidiennement dans les coulisses de la magistrature ne peuvent pas me faire croire qu’ils n’ont pas détecté cette absurdité!!
L’ignorance de la loi ne peut servir de défense, mais l’ignorance de ce problème flagrant augmentera de plus en plus. Ce fléau évident, qui a cours au vu et au su des officiants est… inqualifiable… Je dirais comme un certain sergent de la Sureté du Québec : innommable.
Quand on parle de non-assistance à personne en danger, je vous jure qu’il y a plusieurs toges et uniformes qui devraient se remettre en question. L’inaction des tribunaux fait partie des conséquences graves que subissent les handicapés dont il est question. Ils sont incapables de se défendre adéquatement et surtout, incapables de comprendre leur propre comportement.
Soignés par des raclées
Plusieurs d’entre eux ayant des psychoses (déconnexion temporaire d’avec la réalité) agissent de telle manière qu’ils provoquent involontairement les autres codétenus. Ce qui entraîne parfois une raclée infligée par les autres prisonniers, et ce, à répétition. Au cas où vous ne le sauriez pas, une psychose, ça ne se soigne pas avec des coups de poing dans la face. Ceux qui sont paranoïaques et qui ont des crises aiguës sont terrorisés et refusent de manger ou, parfois, de sortir de leur cellule, eux non plus ne se soignent pas avec de l’intimidation ou des menaces. Que dire lorsqu’un autiste se fait dévaliser le petit peu qu’il a parce qu’il est incapable de réagir? Quand certains se font terroriser à un tel point qu’ils vomissent leurs médicaments pour les remettre à plus fort qu’eux?
Voilà des histoires d’horreur qui sont connues et observées par ceux qui gèrent ces prisons. Peuvent-ils aller sur la place publique et dénoncer ce qui se passe ? Mais non, ils doivent faire allégeance à celui qui leur paie un salaire. Deviennent-ils alors complices? Au nom de l’argent, certains volent d’autres détenus, ou ferment les yeux ou leur gueule ! Qui a la meilleure justification?
Ici, je vous dirais qu’il est question de valeurs. Durant cette pandémie, qui n’est pas terminée, j’ai vu quelle était la priorité du gouvernement, mais aussi de la population. La manière de présenter cette catastrophe nationale sur les réseaux publics sous son plus beau jour. Les messages répétés que nous sommes vraiment bons et surtout, en relevant au passage la performance incroyable des élites politiques qui ont agi de manière si efficace! Bon sang, le Québec a été l’épicentre de la pandémie au Canada.
La plupart du temps, le gouvernement se met la tête dans le sable. Les handicapés mentaux sont arrêtés et condamnés alors qu’ils devraient être internés et recevoir des soins donnés par des professionnels de la santé et non pas par des gardiens de prison. Étrangement, je m’ennuie profondément d’un homme qui méritait un titre qu’on a défiguré au fil du temps, celui de très honorable. Je parle du « Robin des Bois des banques », le très honorable monsieur (Yves) Michaud. L’homme politique a consacré sa vie à éclairer cette cupidité qui nous rend aveugles et qui nous pousse inexorablement vers cet obscurantisme. Ce même obscurantisme qui sévit aussi dans les tribunaux et les établissements carcéraux au Québec.
Survivre est soutenu par le Fonds d’urgence pour l’appui communautaire, du gouvernement du Canada et par la Fondation du Grand Montréal.
Ressources sur le suicide
- Québec: 1-866-APPELLE (277-3553). Les CLSC peuvent aussi vous aider.
- Canada: Service de prévention du suicide du Canada 833-456-4566
- France Infosuicide 01 45 39 40 00 SOS Suicide: 0 825 120 364 SOS Amitié: 0 820 066 056
- Belgique: Centre de prévention du suicide 0800 32 123.
- Suisse: Stop Suicide
- Portugal: (+351) 225 50 60 70
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Quebec Suicide Prevention Handbook
Colin McGregor et Raymond Viger
Quebec, is a world leader in one sad category : suicides. Even attempts, rife within the youth population, leave indelible scars. Any suicidal act, completed or attemted, has many victims. From the streets of Canada’s poorest area to the isolated northern Arctic native villages over 1,000 miles north the extent of this scourge within Quebec society has had one unintended beneficial consequence.
The province’s suicide intervention community has accumulated a vast repository of knowledge and techniques they use on a daily basis. Despair, addiction, loneliness, loss : reasons for suicidal thoughts are varied, but Quebec’s overworked interveners have noticed similarities in the trajectory sufferers take on their downward slid. The compact, concise, easy-to-read Quebec Suicide Prevention Handbook is an indispensable tool for psychologists, social workers and community workers. Now for the first time this book has been adapted into English.
The original author, Raymond Viger, therapist, youth centre operator and community activist, has over 25 years’ experience in the field.He has teamed up with Colin McGregor, long-term federal inmate, lifelong journalist to produce this small, handy, affordable handbook for social workers and sufferers alike. Both men have also attempted the awful final act. Viger trains social workers at several colleges, including McGregor’s alma mater, McGill University, in suicide prevention techniques. What is the extent of the problem ? What triggers, warning signs, should people look out for ? How do you deal with an actively self-destructive person ? At what stage should specific helpful acts be undertaken ? This guidebook demystifies the subject. Charts and graphs lay out easy-to-follow ideas. This book is a vital resource. A section is adressed to those who have suffered the grief of a loved one’s suicide.