En recevant un coup de poing au visage, Denis-Martin Chabot a compris que le point de non-retour avait été atteint avec son ex-conjoint. Dans son roman Escales parisiennes, le journaliste et écrivain québécois aborde la violence conjugale. En jouant avec le vrai et le faux, il lève le voile sur un phénomène trop souvent tabou, et bien personnel : les amours dysfonctionnelles entre conjoints de même sexe. 

Les amours dysfonctionnelles entre hommes

L’autofiction, publiée aux Éditions ND, raconte l’histoire d’une rencontre fortuite entre deux hommes lors d’une séance de dédicaces à Paris. La relation avec son conjoint devient de plus en plus nocive et anxiogène à la suite de révélations troublantes. « J’ai beaucoup hésité à écrire sur cette période de ma vie. Ça a été très difficile, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps, par moment. Ç’a été cathartique pour moi, admet celui qui souhaite aider d’autres victimes de violence conjugale. Je ne dirai pas ce qui est vrai ou pas dans le livre. J’ai tricoté autour des choses qui me sont arrivées, tout simplement. »

Depuis neuf ans, Denis-Martin Chabot subissait de la violence psychologique et physique dans son couple. C’est le fameux coup de poing qui a tout fait basculer. « J’ai perdu connaissance, pendant quelques secondes peut-être, mais ça m’a semblé des heures. Et quand je suis revenu à moi, j’ai compris que j’allais mourir si je restais dans cette relation. »

Dès lors, l’auteur a choisi de couper les ponts avec son amoureux. Il a changé les serrures de son appartenant, craignant qu’il ne débarque chez lui sans préavis. Il a aussi prévenu son employeur qu’il ne voulait plus voir son ex-copain. Denis-Martin Chabot a alors pris conscience de tous les événements qui n’avaient pas de sens au sein de son couple… et qui relevaient finalement de la violence conjugale.

« Je me suis rappelé chaque fois où il m’avait poussé dans un mur ou bousculé, les rapports sexuels non consentis. Ces colères où je voyais la fureur dans ses yeux, tellement que j’en avais peur, dit-il. Je me souviendrai toujours de ce soir où on s’était disputés en pleine rue, devant tout le monde. Il m’a pris par la gorge et m’a soulevé contre un mur. J’étouffais. J’ai gardé les marques de ses pouces dans le cou pendant plusieurs jours. »

Les amours dysfonctionnelles entre hommes
Denis-Martin Chabot

Un amour sournois

La jalousie faisait aussi partie de son quotidien. Son ex-conjoint connaissait le mot de passe de son téléphone. « Je n’avais plus de jardin secret. Il savait tout et me demandait sans cesse qui étaient les personnes avec qui je communiquais. » 

En amour, les signaux d’alarme ne sont pas toujours perceptibles. Avec le recul, l’auteur admet néanmoins avoir fermé les yeux sur des comportements répréhensibles. « Ça commence toujours par des petites choses, des petites crises de colère, des agressions passives agressives. Puis, tout à coup, c’est plus sérieux. C’est de la culpabilité, de la violence psychologique, affective, financière et sexuelle

Le couple avait entrepris des démarches d’immigration afin que son partenaire puisse déménager au Québec. Le processus a été long et ardu avant que Denis-Martin Chabot ne choisisse de quitter cette relation toxique.

« Pourquoi je ne suis pas parti avant ? Je l’aimais, ce gars, lance-t-il. J’acceptais ce qui m’arrivait parce que je ne pensais pas mériter mieux. J’avais une pauvre estime de moi. Ma dépendance affective m’a amené à accepter ce genre de chose. » Selon l’auteur, les rôles de bourreau et de victime sont aussi interchangeables. « Je n’ai pas été violent physiquement, mais j’ai utilisé la manipulation. Il n’y a pas toujours un seul méchant, c’est beaucoup plus subtil que cela. »

Entre tabou et humiliation

À l’époque, il y avait peu de ressources pour la violence conjugale chez les homosexuels. Denis-Martin Chabot le reconnaît, mais c’est surtout une certaine appréhension du regard des autres qui l’empêchait de demander de l’aide. « Je pensais que personne n’allait comprendre. J’avais honte. J’avais peur qu’on me juge ». Et quand des proches de l’écrivain remarquaient des marques sur son corps, il dédramatisait la situation en prétextant sa maladresse : « j’ai trébuché, il m’est arrivé telle chose… »

Même si les relations issues de la diversité sexuelle sont de plus en plus reconnues et publiques, la violence conjugale entre hommes demeure taboue. « Je fais beaucoup d’humour dans ce livre-là parce que j’ai voulu déboulonner des codes, des idées préconçues, des préjugés, explique Denis-Martin Chabot. Quand tu es un homme, tu ne dois pas pleurer, tu te défends, tu n’as pas à te plaindre. La violence entre hommes, ça se gère généralement avec des coups en pleine face. »
Tout comme les mentalités évoluent, le nombre de ressources et de services d’aide augmente au fil du temps. « Une très grande sensibilisation a été faite auprès de la police, à Montréal. Cette violence-là est davantage reconnue. Il y a des organismes comme RÉZO qui la documentent et aident la communauté LGBTQ+, souligne l’auteur. Si t’as besoin d’aide pour te sortir de ça, vas-y. Il y a des programmes ; il n’y a pas de honte à aller chercher du soutien. »

RESSOURCES : 

SOS Violence conjugale : 1 800 363-9010 

REZO (santé et mieux-être des hommes gais et bisexuels, cis et trans) : 514 521-7778

Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CALACS) 

Montréal : 514 529-5252

Extérieur de Montréal : 1-877-717-5252

Regroupement des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale

Ligne sans frais : 1-800-363-9010

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